Mots-clés: ViaBloga, le livre
Cela fait plusieurs semaines que j'ai commencé à écrire ce chapitre très (sans doute trop) long, qui raconte l'histoire de la création de ViaBloga. C'est certainement le chapitre le plus "ouvert" du livre : les autres seront beaucoup plus guidés par la table des matières et la plateforme elle-même. Là, j'étais livré à moi-même, et j'ai donc pris beaucoup de plaisir à raconter ma vie. :-)
Pour mémoire, ce chapitre s'insère comme ceci dans la table des matières :
- ViaBloga
- Historique
- La plateforme
- L'association : membres, statuts, coordonnées
- Nos valeurs
- Innovation, dialogue et partage
- La communauté
Il manque quelques dates qu'il faut que je retrouve, et certaines formulations sont sans doute peu heureuses, n'hésitez pas à m'en suggérer d'autres, où à me signaler que j'ai trop dérivé et que je deviens hors-sujet. J'avoue être pressé de pouvoir m'attaquer aux chapitres plus techniques.
Dune BBS : un site pas encore Web
En 1993, Stéphane Gigandet – qui pour ne pas devenir schizophrène écrira la suite de ce chapitre à la première personne – crée son premier site en ligne, Dune BBS. Ce n'est pas un site Web – le Web ne s'est pas encore échappé des laboratoires du CERN de Genève – mais le site est bien en ligne : plus précisémment la seconde ligne téléphonique que j'ai fait installer chez mes parents. Mon PC d'alors y est connecté en permanence par un modem qui répond aux appels des visiteurs, jusqu'à 30 les bonnes journées. On y trouve des fichiers à télécharger, un chat avec l'administrateur lorsque je suis devant mon PC en même temps qu'un visiteur, et le plus important : une messagerie avec des forums de discussion publics. A quelques détails près comme le fait qu'une seule personne à la fois puisse se connecter et la vitesse qui culmine au début à 1200 bits par seconde (presque 1000 fois moins que l'un seul des 20 “Megas” proposés aujourd'hui par les opérateurs ADSL), Dune BBS ressemble à s'y méprendre à un blog.
Dune BBS est un Bulletin Board System (babillard en québecois). Il en existait une centaine en France et quelques dizaines de milliers de part le monde. Chacun était fréquenté par une petite communauté très fidèle de visiteurs qui revenait jour après jour pour discuter en ligne. La technologie était un moyen pour établir de nombreuses rencontres virtuelles qui souvent devenaient réelles, parfois dans des circonstances ou lieux innattendus. Il m'est ainsi arrivé plusieurs fois de passer trois jours et deux nuits enfermé avec des milliers de personnes dans le stade de hockey sur glace d'Helsinki ou dans un gymnase perdu au Danemark. Fasciné par les “démos”, programmes qui poussaient les performances techniques des ordinateurs dans leurs utilmes retranchements, j'en avais fait le thème principal de mon BBS, et j'assistais régulièrement aux compétitions qui regroupaient leurs créateurs venus avec leur ordinateur pour programmer et échanger. L'innovation et les rencontres et dialogues, deux des thèmes majeurs de ViaBloga étaient déjà là.
C-est-tout.com : un blog collaboratif
Quelques expériences et années plus tard, je crée mon premier blog, C-est-tout.com, copié sur le modèle révolutionnaire du site américain Slashdot : chaque jour, les lecteurs proposent et commentent des articles et des liens sur ce qui intérèsse les informaticiens (en vrac, les logiciels libres, les nanotechnologies, la génétique, la science fiction, la programmation etc.). Tout l'intérêt du site tient aux très nombreux commentaires écrits par les lecteurs, souvent experts ou témoins du sujet de l'article.
C-est-tout.com est lancé en 1999 et rapidement une communauté très active se forme et prend au mot son slogan “Vous ne changerez pas le monde mais C-est-tout.com”. Une communauté très active se forme autour de ce site d'information et de discussion écrit par ses lecteurs, plusieurs milliers d’articles y sont publiés, et des dizaines de milliers de commentaires déposés.
Joueb.com : la première plateforme francophone de weblogs
Un an plus tard, en 2000, l’année du « phénomène blogs » ;-), je découvre Blogger d’Evan Williams et Manila/editthispage de Dave Winer/Userland, deux plateformes pionnières permettant à tout à chacun de créer un weblog. J’ai également quelques projets de sites, en particulier un webcomic avec un très bon ami dessinateur, une bande dessinée en ligne intitulée zh9lkvff9ck.com au concept largement inspiré de MegaTokyo, un webcomic américain qui fait toujours fureur après 6 années et 3 planches par semaine. Zh9lkvff9ck s’est lui malheureusement arrêté au bout d’un an, avant que quiconque n’ait pu décoder la signification secrète de ce nom imprononçable (j’offre un an d’abonnement à ViaBloga à la première personne qui y parviendra).
Ecrire un programme qui gère 10, 100 ou 1000 sites est seulement un peu plus complexe qu’un programme qui ne gère qu’un seul site, en tous cas beaucoup moins que 10, 100 ou 1000 fois plus complexe, et je me lance donc dans la programmation d’un logiciel permettant d’en créer 10000. Avant la fin de l’année, Niutopia, la première plateforme de publication et d’hébergement de weblogs est née, et elle est dès l’origine conçue pour être le plus flexible possible et permettre ainsi la création de sites très différents, comme un blog personnel, un blog collaboratif, ou un webcomic.
En 2001, Niutopia est renommé en Joueb.com. Joueb est ma traduction personnelle de blog : c’est la contraction de journal web, traduction littérale de web log. Poussé par un égo démesuré, je tente d’ailleurs un moment d’imposer mon néologisme au reste de la francophonie. A défaut d’être adopté par l’Académie Française « joueb » figure dans le dictionnaire de l’office québecois de la langue française.
Un rythme effréné d’innovations
Depuis son lancement, les semaines sans améliorations de la plateforme sont rares. Les utilisateurs, de plus en plus nombreux, ont de plus en plus d’idées de nouvelles fonctionnalités pour des usages de plus en plus divers. Beaucoup de ces nouveautés ont évolué graduellement, au fil des suggestions et des nouveaux usages, pour devenir des atouts majeurs de la plateforme. Ainsi l’ajout du concept des MotsWikis des wikis a entrainé le développement des mots-clés, sans aucun doute la fonction qui apporte le plus de valeur ajoutée aux weblogs publiés sur ViaBloga. De même, la personnalisation des modèles de mise en page, qu’il fallait auparavant effectuer en changeant des lignes de code, s’est vite enrichie d’un choix aisé des couleurs, des blocs à afficher dans les colonnes, et d’une génération automatique des images pour obtenir une mise en page flexible et parfaite au pixel près.
Le mode de développement des nouvelles fonctions de ViaBloga est toujours le même aujourd’hui. Un utilisateur fait part d’un besoin ou émet une suggestion sur le blog des utilisateurs, d’autres utilisateurs répondent, décrivent leurs besoins semblables, et proposent d’autres idées. Une première mise en œuvre est effectuée et les utilisateurs donnent leur avis. La fonction est corrigée ou complétée, et le cycle continue et converge vers une solution qui satisfait au mieux les utilisateurs. On peut aller très loin avec des « Et si on pouvait… », il suffit d’accompagner ses utilisateurs là où ils désirent aller.
Des déménagements fréquents
Hébergé à l’origine sur les serveurs mutualisés d’OVH, Joueb.com se voit contraint de déménager dans l’urgence à cause de la trop grande charge sur les serveurs d’OVH (Joueb.com avait parait-il « explosé plusieurs machines »). Joueb.com déménage alors sur un plus gros hébergement mutualisé, chez un tout petit hébergeur australien, httpme. Pourquoi un hébergeur en Australie (mais avec des serveurs sur la Côte Est des Etats-Unis, des jouebs principalement en France, et moi qui habitait alors en Californie, Internet crée des associations incroyables !) ? Pas tellement pour le prix, mais surtout pour l’esprit de partage qui rendait unique httpme, sous-titrée « the http community », une entreprise à taille humaine, avec un forum d’entraide hors du commun. Toute ressemblance avec une plateforme de weblogs existante n’est probablement pas fortuite !
Malheureusement, Joueb.com poursuit sa croissance, et doit brutalement quitter httpme. S’en suit une longue série de déménagements, chacun vers un hébérgement un peu plus gros que le précédent. A l’époque, les serveurs dédiés sont encore hors de prix, et Joueb.com passe des serveurs mutualisés aux serveurs virtuels (une seule machine physique émule plusieurs serveurs virtuels), puis au serveur dédié low cost chez Nocster, initiateur des serveurs dédiés à moins de 100 dollars. Mais bon an, mal an, Joueb.com est toujours obligé de déménager tous les six mois, souvent sans préavis. Je passe alors une bonne partie de mon temps libre à optimiser les performances du système, ou à préparer le prochain déménagement au lieu de continuer le travail beaucoup plus gratifiant d’améliorer les fonctionnalités.
Toutes ces premières années, j’ai payé de ma poche l’hébergement des jouebs qui étaient entièrement gratuits et exempts de publicité. J’étais donc particulièrement soucieux de ne pas trop multiplier les coûts d’hébergement. Mais plus je réfléchissais à la situation, plus je trouvais dommage de limiter notre développement par manque de fonds.
J’ai donc expliqué la situation aux utilisateurs, et je leur ai proposé de participer financièrement aux coûts d’hébergement, afin de déménager encore une fois, mais cette fois vers un serveur dédié haut de gamme, au lieu de simplement opter pour un hébergement un tout petit peu plus grand. Ils furent nombreux à répondre à l’appel, mes soucis quotidiens de performance disparurent du jour au lendemain, et Joueb.com reprit son rythme effréné d’innovations, au plus grand plaisir de ses utilisateurs et de son développeur.
ViaBloga : une plateforme pour adultes chiants
D’année en année, ce qu’on appelle alors la blogosphère évolue, et des communautés de blogueurs se forment, parfois par centre d’intérêt, plus souvent autour des outils qu’ils utilisent : les jouebeurs et les 20sixiens se mélangent peu aux utilisateurs de Radio Userland et Movable Type, en moyenne plus âgés et plus « sérieux ». Ces derniers se qualifient eux-mêmes d’adultes chiants. Le seul endroit où l’endogamie est brisé est le bar où se donnent rendez vous les blogueurs parisiens chaque premier mercredi du mois, à l’occasion du ParisCarnet, une rencontre initiée par Laurent Gloaguen d’embruns.net.
Ce même Laurent, une des figures de proue des adultes chiants, qualifia un jour Joueb.com de « Club Barbie » : la plateforme, très communautaire, n’était pas au goût de tout le monde. Il suffisait ainsi de créer un joueb, pour que très rapidement et spontanément, on reçoive plusieurs commentaires de bienvenue de la part d’autres utilisateurs, avec parfois abondance de sourires. Un peu comme si dans la rue, des inconnues venaient à vous dire bonjour, il y a de quoi prendre peur. J’exagère volontairement, mais l’image très jeune et très communautaire de Joueb.com a beaucoup joué en la défaveur de la plateforme auprès d’une partie des blogueurs. En termes de fonctionnalités, Joueb.com était bien en avance par rapport à Radio Userland, Movable Type et consorts. Mais on choisit son outil ou sa plateforme surtout parce que l’on connaît et apprécie d’autres personnes qui utilisent cet outil ou cette plateforme et le recommandent. Rares sont les personnes qui ont le temps d’évaluer et comparer plusieurs solutions.
C’est pour cette raison que Delphine (une blogueuse fameuse que j’avais convaincu de passer de BlogSpot à Joueb.com) et moi-même avons décidé en 2003 de lancer une seconde plateforme, destinée particulièrement aux adultes chiants, dont nous étions nous-mêmes d’éminents représentants.
Joueb.com et ViaBloga sont deux plateformes qui utilisent le même logiciel, mais qui sont configurées sciemment de façon très différente. La différence majeure est la gestion des utilisateurs. Joueb.com est très communautaire et il n’y a qu’une seule base d’utilisateurs pour tous les jouebs. A l’inverse, sur ViaBloga, tous les blogs sont complètement indépendants les uns les autres, et c’est à chaque blogueur de se constituer sa propre base d’utilisateurs.
En ce qui concerne le modèle économique, Joueb.com n’en a pas. La plateforme est gratuite et seuls quelques jouebeurs participent encore aux coûts d’hébergement. ViaBloga par contre est une plateforme payante. Après un mois d’essai gratuit, les utilisateurs sont invités à payer pour continuer leurs weblogs, à l’exception des associations caritatives et des établissements d’enseignement à qui nous offrons l’hébergement.
Le passage au payant fut également l’occasion de créer une association 1901 pour gérer les deux plateformes.
Aujourd’hui,
Joueb.com existe toujours, mais nous (Delphine, Jean-Luc et moi-même)
nous concentrons sur le développement de ViaBloga où
les innovations sont d’abord développées. L’histoire
de ViaBloga continue ; le chapitre suivant présente la
plateforme et l’association, et nous comptons tous écrire de
nombreux autres chapitres dans les années qui viennent !
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- ViaBloga, le livre - La communauté - 29/07/06
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- Les commandes d'affichage des articles - 23/07/07
Stephane,
Tu me permettras de relever dans cette citation un condensé de Viabloga: s'il s'agît d'un livre qui n'est pas destiné qu'aux geeks et nerds, il faut revoir certaines choses aaynt trait à l'objectif, et au fondamental.avant toute chose, s'agît-il d'un livre relatant l'hisoire de Viabloga ou d'un super mode d'emploi?
Les passages personnels sont très courts, pourtant ce sont eux qui permettraient de donner l'aspect humain de l'aventure, de ton parcours perso, du vécu humain et du cheminement qui illustreraient et rythmeraient le livre.
Connaître tes réactions personnelles, ton environnement de vie (sans trop rentrer dans les détails de ta vie privée, cela va de soi) pour ne pas simplement se taper du technique me semble indispensable.
Donc, tu ne racontes pas assez ta vie.
Et tu es pressé de pouvoir t'attaquer aux chapitres plus techniques.
C'est un peu le problème de Viabloga.
Je m'explique:
Cette plateforme est géniale, réellement, et elle ne fait que s'améliorer. Mais pendant que tu te concentres à fond sur le moteur, tu oublies parfois à quel point la carosserie et le buzz autour du plaisir de conduite sont nécessaires à ceux qui ne connaissent pas le truc pour leur donner envie de s'assoir au volant.
Ainsi viabloga est vraiment toujours aussi pauvre en modèles (parce que le thème actuel de viede viabloga est, -excuse-moi- horrible.
On dirait une mauvaise imitation de l'Acqua d'Apple.
Celà dessert l'extraordinaire accomplissement que représentent l'interface de gestion, l'architecture, la centralisation au service de la diversité, l'offre.
Donc à mon sens, si dans Viabloga il est urgent de trouver un designer et un maquettiste de presse, dans le livre il est important que l'on apprenne un peu à savoir qui tu es: car la motivation d'un créateur est un élément indispensable et inséparable de ce qui permettra à un lecteur d'apprécier la création.
Pour le reste, pas de doute, tu écris très bien. On a envie d'en savoir plus, et je crois que tu peux te montrer moins pressé dans ton narratif.